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Nina
…
J'appelle mes ami(e)s les plus intimes, pour les informer : je crois être
enceinte mais je ne vais pas le garder. Réponses : Tu fais ce que tu veux (femme), c'est un miracle tu devrais reconsidérer ta décision
(femme); à ta place j'avorterais, c'est bénin d'avorter (homme).
Puis, la descente aux enfers va commencer. Que faire, et pourquoi la société au
lieu de m'aider me maltraite-t-elle?
LE CRICUIT MEDICALISE DE L'AVORTEMENT : un mépris des femmes et de la loi sur
l'IVG.
1er RV chez le gynéco. Il ne voit rien sauf les trois tests de grossesse positifs. Je lui dis
que je veux avorter, le bébé n'a que quelques jours, il se résume à un amas de
cellules, ce sera plus facile pour moi d'avorter maintenant.
Aucune réaction du gynéco : pas de pillule abortive proposée (n'en connaissant
pas l'existence, je ne l'ai pas demandée). Prochain RV dans 2 semaines.
2ème RV chez le gynéco, BB a 3 semaines et demie.
"Félicitations votre bébé va bien" : le gynéco a un sourire radieux. Il est
heureux de ma grossesse.
Je comprends qu'il n'a pas relu mon dossier, qu'il a oublié ou qu'il ne veut pas
admettre que je choisisse d'avorter.
Je suis pétrifiée à l'idée de lui redire, c'est tellement dur à assumer, si en
plus il faut convaincre les médecins pour qu'ils procèdent à l'intervention!!!
Je lui dis vouloir avorter. Il change radicalement de tête : il "n'avait pas
envisagé cette solution".
Il m'informe qu'il "refuse de prescrire la solution médicamenteuse qui fait trop
de mal aux femmes", qu'il "peut m'indiquer un collègue qui me la prescrira", lui,
préconise la méthode par aspiration.
Je lui explique ma grande détresse et lui témoigne de mon entière confiance, je
m'en remets complètement à lui.
Il ne me propose pas d'assistance psychologique, ni ne se préoccupe des
formalités "écrites de consentement". D'ailleurs, c'est pour un "curetage" qu'un
RV est pris dans 2 semaines dans sa clinique privée. Il me prévient des
dépassements d'honoraire.
Je préviens mon copain. Il viendra, il doit juste en parler à son patron auquel
il doit demander un jour de congé. Ce dernier lui a rétorqué qu'"il n'avait pas
à assumer ses conneries".
Son patron lui explique que si il m'accompagnait, il ne serait pas payé de sa
journée et serait suspendu pendant 2 jours.
Mon copain si fort habituellement s'est écroulé. Il ne sait pas s'il viendra
avec moi. Il me demande de repousser l'avortement pour qu'il tombe pendant ses
vacances. Pendant ses vacances, bébé aurait 9 semaines…
Je lui explique que je ne peux pas attendre, c'est trop dur de porter cet enfant
que j'aime et que je sais destiné à s'arrêter de croître. Il faut que ça
s'arrête vite car ma détresse est de plus en plus poignante.
RV à la clinique : BB a 6 semaines.
Mon copain était là, il était suspendu de son travail. Plus l'intervention
approchait, plus je paniquais. Je ne suis pas prête, je ne peux pas avorter.
Finalement, je me suis en allée de l'hôpital 1/4h avant l'entrée dans le bloc.
Les infirmières m'avaient rattrapée, je leur expliquait, mais elles ne
comprenaient pas : elles s'étaient préparées pour un curetage… pas un
avortement. Choquées et moi aussi… Les médecins m'avaient dit être "contents"
de ma décision et me félicitèrent de garder le bébé.
Ils n'avaient rien compris !
Je contacte mon gynéco afin qu'il me donne l'adresse de centres d'assistance aux
femmes enceintes. Je dois le rappeler quand j'aurais pris ma décision ferme et
définitive, sous quelques jours. Il partait en vacances et m'avait indiqué qu'il
aurait un remplaçant qui me prendrait en charge.
Aucun des 2 numéros indiqués par mon gynéco n'est en service. Je suis paniquée,
je n'ai personne à qui parler. Je n'ai pas Internet chez moi et il est hors de
question que je fasse des recherches au boulot, par peur qu'on ne découvre mon
état et ma démarche. De même pour mon copain.
Je suis seule, je suis au bout du rouleau. Mes amies ne me comprennent pas, je
me replie, je ne vois plus personne. Ma mère n'est pas au courant et je ne veux
pas l'impliquer dans cette sale affaire, qui l'ébranlerait également. Bébé à 7 semaines. Après avoir réfléchi davantage, mais toujours seule avec mon copain, je rappelle
le gynéco pour prendre un ultime RV IVG, cette fois je suis prête. Surprise, mon gynéco n'a pas de remplaçant : IL M'A PLANTÉE EN PLEINE
PROCÉDURE!!
Bébé a 8 semaines et 1/2. Je l'aime de plus en plus. J'ai pris du poids et j'ai
des nausées. La décision de l'IVG est irréversible, je dois trouver un praticien. J'appelle les services gynéco de plusieurs hôpitaux parisiens. Toujours les
mêmes réponses, "pas de place madame", "il fallait y penser avant !", "le gynéco
est en vacances", "je ne peux vous proposer qu'un RV dans un mois" …
Que faire…, je suis abattue, personne pour m'avorter,… et le délai légal
approche, et j'aime de plus en plus l'enfant.
En désespoir de cause, je vais voir mon médecin généraliste. Il me demande ce
qu'il peut faire pour moi… Ben voyons ! Celle-là on ne me l'avait pas encore
faite!!! Aidez-moi à avorter et indiquez-moi où je peux trouver une aide
psychologique!!!
Mon médecin de famille me rappelle le lendemain. Il a tout organisé. J'avorterai
dans 10 jours dans un grand hôpital parisien.
Il me conseille de faire une lettre à l'ordre des médecins pour signaler les
dérives dont j'ai été victime…
Toujours en détresse psychologique, je consulte une psy qui ne comprend rien,
seul rapport d'expertise : je tiens au bébé.
J'appelle ma mère et elle me dit, ma fille, ton choix sera le bon, les 2 choix
se justifient.
Maintenant, puise profond, rêve ta vie future librement : ton épanouissement et
ton sentiment de liberté seront-t-ils entachés si tu donnes vie à ce bébé ?
La justification à l'intervention était là…
AVORTEMENT : BEBE A 10 semaines (2 mois et demi). CA FAIT PLUS DE 2 MOIS QUE
J'AI CONSCIENCE DE SON EXISTENCE, JE N'AI RECU AUCUNE AIDE PSYCHOLOGIQUE, PAR
MANQUE D'ACCES A L'INFORMATION, PAR NEGLIGENCE DES MEDECINS.
J'AURAIS PU AVORTER 2 MOIS PLUS TOT, SI QUELQUES MEMBRES DE LA COMMUNAUTE
MEDICALE M'Y AVAIT AIDE. L'interne de l'hôpital où j'ai avorté m'a FINALEMENT
QUALIFIEE D'IRRESPONSABLE…
Les humiliations et les violences ont été nombreuses. Ma détresse psychologique
et financière ont rendu le parcours plus douloureux encore.
Mon médecin de famille "pro-avortement" ne propose pas d'assistance
psychologique aux femmes envisageant une IVG en urgence. Elevé au féminisme des
années 70, il est enclin à penser qu'une IVG est bénigne. Il se trompe dans mon
cas. Il m'a détaillé l'intervention a posteriori, "Il y en avait plus que ce
qu'il croyait!!!". Quelle horreur! et surtout que de violence à l'égard de la
femme.
Je le remercie toutefois du plus profond du coeur de m'avoir prise en charge.
Lui aussi a dû faire face à de nombreuses difficultés : (1) difficultés de
constituer une équipe d'intervention face au refus du personnel médical de
pratiquer des IVG, (2) réticence de l'hôpital à accueillir les femmes souhaitant avorter.
Je lui dois la liberté.
Une femme qui vit une grossesse non désirée vit le pire moment de sa vie car
c'est une situation duale : amour de ce petit homme en conception c/ privation
de liberté. Chaque femme fera son choix, selon ses convictions personnelles.
Après une période de soulagement, je tends à être triste et déprimée aujourd'hui
: faute à la société française qui culpabilise les femmes qui avortent, au
manque de soutien de la société, au manque de sensibilisation de l'entourage sur
les problèmes des femmes qui vont ou ont avorté, au manque de prise en charge de
nos compagnons hommes qui se réfugient dans le silence ou dans ce qu'ils peuvent
! Faute aux TABOUS !
La femme a un droit sur son corps certes, mais il est de plus en plus difficile
de le faire admettre en France. Elle a le droit d'avorter, elle n'a pas le droit
d'en souffrir, sous entendu :
" Qu'elles la ferment, ça nous fait déjà pas plaisir de procéder à
l'intervention!!!! "
Voila comment je ressens tout ça!!! Je ne pense pas être loin de la réalité
sociale.
Que le droit reconnaisse aux femmes la liberté de choisir l'IVG certes,
maintenant l'état doit veiller à ce que la possibilité d'avorter dans de bonnes
conditions "physiques et psychologiques" soit effective !
Ce n'est pas le cas aujourd'hui en France.
D'autres part, les femmes ne doivent pas être considérées comme seules
responsables et concernées par la conception. Que le DROIT DES HOMMES à accompagner leur compagne se faire avorter soit
reconnu expressément par la loi !
Que les HOMMES aient accès à la PILULE ! Si les deux partenaires contrôlent leur
conception, il y a moins de risques d'accidents !
La pilule a l'avantage de ne pas contrarier le plaisir sexuel.
SI LES HOMMES PRENAIENT LA PILULE, IL Y AURAIT MOINS DE BEBES FAITS DANS LEUR
DOS, DE VIES D'HOMMES ET DE FEMMES BRISEES PAR DES ENFANTS NON VOULUS, IL Y
AURAIT BEAUCOUP MOINS D'AVORTEMENTS !
Aujourd'hui je ne raconte qu'une toute petite partie de ce que j'ai vécu et je
tape du poing sur la table.
Je refuse que nous, femmes, ayons à justifier de l'application de nos droits, je
refuse que nous nous fassions insulter dans l'exercice de nos droits!