Avortement - Interruption de grossesse : Pour le droit au libre choix



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MANIFESTE
EN FAVEUR DE L'INITIATIVE POUR LA SOLUTION DU DELAI
Votation fédérale des 24 et 25 septembre 1977

Lorsque j'étais, en 1971, parmi les promoteurs des initiatives proposant de décriminaliser l'avortement, je ne m'attendais pas à trouver derrière moi la totalité de l'opinion publique. Je savais que j'en bravais une partie et je le faisais délibérément, parce que j'estimais cette partie engluée dans les préjugés étrangers, pour ne pas dire contraires, aux valeurs morales.
Par contre, je ne pensais pas me trouver aussi seul dans la défense de ces valeurs. Les partisans des initiatives, qui ont beaucoup fait pour obtenir une votation populaire et transformer dans plusieurs cantons cette votation en un succès incontestable, le faisaient au nom de la liberté personnelle et du souci légitime de n'avoir que des enfants désirés. Ils se présentaient à juste titre en défenseurs de la famille. Ils dénonçaient de façon convaincante les arguments des partisans de la répression. Mais ils s'abstenaient d'entrer en matière sur le fond de la question, comme si un tabou empêchait de l'aborder ouvertement.
J'ai donc rédigé en mon nom personnel le manifeste dont les deux derniers chapitres, exposant les vraies causes de la répression et leur exploitation par toutes les formes de tyrannies, y compris spirituelles, résume mon point de vue. Anne-Marie Rey, l'une des seules à m'écouter, a accepté de le traduire.
A l'époque, certains m'ont dit que le texte ferait date. Après trois décennies, mon impression est qu'il est trop tôt pour le vérifier. On n'ose démasquer ceux qui prennent plaisir à dominer les conduites ou les consciences, ni ceux qui se réfugient dans la tyrannie pour calmer d'infantiles angoisses.

Maurice Favre, 2000
* 1922 – 9.8.2008

Manifeste pour le libre choix de la maternité

I. La liberté de la maternité
Chaque naissance mérite la joie.
Tous les enfants ont le droit d'être des enfants désirés.
Les parents doivent choisir librement le nombre de leurs enfants et le moment des naissances.
La décision n'appartient pas à ceux qui n'en supportent pas les conséquences, qu'ils soient juges ou médecins.
La responsabilité des parents est trop importante pour leur être confiée malgré eux.
Leurs objections méritent attention même lorsqu'elles paraissent superficielles, car elles révèlent une maturité insuffisante pour la tâche qui doit être accomplie.

Il. La priorité à la contraception
Nous ne recommandons pas l'avortement.
La santé s'y oppose, ainsi que le respect dû au cours de la vie.
Car la vie ne débute pas avec la naissance, ni même avec la conception. Elle existe dès l'apparition des premières cellules destinées à la fécondation. Elle devient ensuite de plus en plus complexe et établit progressivement des liens avec l'entourage.
S'il faut interrompre son cours, on doit le faire le plus tôt possible, avant qu'il ait pris un trop grand développement Plus on attend, plus grand sera le trouble.
C'est pourquoi nous recommandons la contraception et espérons que ses progrès permettront de renoncer toujours plus à l'avortement.
C'est aussi pourquoi nous désirons que l'avortement, s'il se révèle malheureusement indispensable, soit pratiqué dans les premières semaines.

III. Le début de la vie humaine inviolable
Par contre, nous n'admettons pas que la loi punisse l'avortement. L'embryon ne mérite pas la même protection que la personne, car la naissance est à nos yeux le moment déterminant du cours de la vie.
Depuis des siècles le droit en fait dépendre l'existence de la personne.
L'Eglise en fait de même, puisqu'elle ne baptise pas les foetus et ne les enterre pas non plus.
Il est donc juste et naturel que la loi attende la naissance pour protéger la vie humaine de façon absolue.

IV. La liberté de conscience
Nous admettons que d'autres estiment la vie humaine inviolable dès la conception ou dès tout autre moment.
Mais en échange nous leur demandons le droit de penser différemment.
Dans un domaine qui relève à ce point des convictions personnelles, la justice pénale doit faire place à la liberté de conscience.
Cette liberté est l'un des droits fondamentaux sur lesquels repose l'existence de la Suisse.

V. Les prétextes de la répression
Ceux qui veulent néanmoins punir l'avortement invoquent des arguments inacceptables.
Ils proclament le respect de la vie mais oublient qu'il existe plusieurs sortes de vie. Ils veulent la vie des enfants non désirés et des maternités forcées, alors que nous voulons celle des enfants désirés et des familles heureuses.
Ils invoquent la défense de la personne alors qu'ils prennent le parti du foetus contre celui de la personne, qu'il s'agisse de la mère, du père, des enfants déjà nés ou de tous ceux qui pourraient naître en de meilleures conditions.
Ils parlent de l'âme, comme si cela leur donnait le droit d'augmenter la peine des humains.
Enfin ils craignent pour la moralité mais dissimulent qu'il existe différentes morales. Celle qu'ils défendent fait de la maternité une peine, dont la menace ferait obéir et l'application expier. Il est odieux que l'une des joies les plus pures données par la nature devienne un mal. La morale qui l'admet ne peut qu'être une fausse morale.

VI. Les vraies causes de la répression
En réalité la punition de l'avortement est un produit absurde de l'imagination.
Depuis des siècles, on condamne la sexualité au lieu de la discipliner. Une exagération regrettable en fait une faute. Certains y voient même le symbole de la faute.
Un aveuglement comparable fait de la maternité la punition de la faute.
L'idée est d'autant plus facilement acceptée que les femmes sont seules punies.
Ces deux principes d'une prétendue morale condamnent l'avortement et la contraception. Mais tandis que les échecs de la contraception conservent à la maternité sa fonction de punition, l'avortement la fait disparaître.
C'est la raison pour laquelle les partisans de la répression sexuelle refusent obstinément de tolérer l'avortement. Ils croient qu'une loi fondamentale est violée si la maternité n'est plus une peine naturelle. Ils craignent un affreux désordre et leur imagination égarée leur suggère l'idée ridicule d'une dépravation qui décompose la société.
Ils ne veulent pas voir que dans tous les pays qui les acceptent, la planification familiale et la tolérance de l'avortement ne causent aucun dommage à la santé ni à la moralité.

VII. L'exploitation par la tyrannie
L'erreur serait dénoncée depuis longtemps si elle ne profitait à ceux qui veulent régner de façon autoritaire sur les conduites et les consciences.
En raison de la facilité avec laquelle elle est acceptée, la répression sexuelle habitue à d'autres formes de répression et légitime le pouvoir qui l'exerce.
Elle est donc l'arme par excellence du pouvoir totalitaire, alors que les régimes libéraux l'abandonnent.
La lutte pour que l'avortement soit toléré n'est pas seulement la cause des femmes et celle de la famille.
Elle rallie tous les combattants de la liberté, qui admettent une discipline mais refusent l'oppression.

Maurice Favre, Vice-président du comité de l'initiative
Septembre 1977

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