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Pour beaucoup de femmes tout est clair dès le début et elles n'ont pas de problèmes avec leur IVG. Ce ne sont pas celles, le plus souvent, qui nous écrivent, mais plutôt celles qui ont des sentiments mêlés. Leurs témoignages montrent: chacune se trouve dans une situation particulière, chacune le vit différemment. – Certaines restent tristes, d'autres ressentent surtout un soulagement. Pour aucune femme l'interruption de grossesse n'est une expérience agréable. Mais ça ne doit pas être un drame, cela peut arriver à tout le monde. Par la suite, même si leur décision était douloureuse, la plupart des femmes trouvent qu'elle était juste. Ce qui est important:
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"
J’assume mon
interruption de grossesse – et j’en parle par solidarité avec les
700’000 femmes en Suisse qui ont vécu la même expérience." Doris |
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"Jeunes parents de trois
petits enfants et occupés à mettre sur pied une petite entreprise,
nous étions totalement débordés. En 1962, j’ai dû avorter
illégalement. Mon expérience ne doit pas se reproduire." Ursula |
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" J’utilisais un moyen de
contraception sûr, et pourtant je suis tombée enceinte. J’ai trouvé
humiliant qu’une tierce personne puisse décider de mon avenir à ma
place." Lauren |
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"Aucune méthode de contraception n’est sûre à
100%. Nous avons pesé nos responsabilités envers nos trois enfants et
décidé d’interrompre cette quatrième grossesse."
Marlies et Theo |
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"Dans notre situation, nous n’aurions pas pu
offrir à un enfant ce à quoi il a droit. Nous avons donc décidé, après
mûre réflexion, d’interrompre la grossesse." Claudia et Stephan |
Denise
Quand j’entends les arguments des opposants en ce qui concerne le
"respect de la vie", je me demande à quoi ils pensent. Je suis une femme
de 40 ans, et ai été conçue dans "le péché". Ma mère en son temps avait à
peine 18 ans. Bref, ma naissance n’a pas été du tout bien accueillie par
ma famille maternelle. Beaucoup de graves problèmes à court et à long
termes se sont produits par la suite dont les conséquences ont encore lieu
aujourd’hui, tant au niveau matériel qu’au niveau psychologique. La
cellule familiale que je n’ai jamais connue est complètement absente.
En ce qui concerne les résultats psychologiques et physiologiques, la
liste est longue (cf. coûts sur la santé). D’autre part, la famille s’est
scindée en deux clans qui ne se parlent plus depuis 40 ans !
Si le régime du délai avait existé en 1961, beaucoup de souffrances
auraient été épargnées.
Solange
Je vous cite mon exemple qui est banal mais douloureux.
Mes parents, "de grands chrétiens", ont eux 8 enfants! Je n’étais pas
née qu'ils me détestaient, mais l'avortement est un péché et les enfants
sont la croix qui vous font aller au paradis. Même la contraception est
un péché. Cela existe encore, j'en connais dans ma famille!
Et si l’enfant est handicapé c'est encore mieux, car c'est un bienfait
du ciel : tant pis pour l'enfant auquel personne ne pense!! S'il le peut
qu'il pense à remercier Dieu!!!
J'ai ensuite dû divorcer et j'ai été mise au ban de ma famille. Quand
j'ai eu un ami, j'ai été traitée de P….
Nous avons été si malheureux mes enfants et moi, car eux aussi étaient
rejetés par ces bons chrétiens, que j'ai été malade. Mais le pire est
que mon fils aîné a tant souffert qu'il a mis fin à ses jours.
Je sais que toute la famille priait pour mes péchés, car le simple fait
d'avoir un peu de bonheur en est un pour ces fanatiques intégristes que
l'on retrouve dans toutes les parties du monde.
Inutile de préciser que j'ai travaillé 30 ans à la protection de
l'enfance et que même si je pense que l'avortement n'est pas une
solution, j'ai demandé des secours pour aider des jeunes femmes dans ce
dilemme.
Nous n'avons pas le droit de juger de la souffrance de ceux qui nous
entourent, mais seulement de leur porter secours.
Maintenant je suis grand mère et apaisée, mais je m'inquiète pour tous
ces jeunes qui ne comprennent rien aux difficultés de notre monde.
Paul
Je risque ma parole ici parce que j’ai besoin de partager ce que je vis.
Voilà : j’ai 45 ans, je suis père de famille, marié, deux enfants. Il y a
un an je rencontre une femme. Je voulais cette rencontre, elle aussi. Nous
devenons amants. Nous vivons de très très bons et beaux moments, toujours
dans le respect l’un de l’autre. En harmonie de coeurs et de corps.
Mais nous savons, et nous nous le disons, que ce ne sera pas définitif.
Elle est veuve avec deux enfants. Moi je chemine, avec ma femme, dans une
réflexion sur notre vie de couple, qui ne nous satisfait pas. Je ne veux
pas divorcer. Si je dois le faire ou s’il m’arrive, sur ce cheminement, de
le vouloir, je ne veux pas le faire "pour" une autre, mais pour poursuivre
ma vie différemment.
Avec mon amante, nous avons évoqué le risque de concevoir un enfant.
Evoqué "à froid" : nous n’en voulons pas, ni elle, ni moi et nous sommes
d’accord là-dessus. Elle prend la pilule. Nous sommes d’accord que je ne
prenne pas de préservatif. Mais un jour elle m’annonce qu’elle est
enceinte. Je lui dis que je ne veux pas qu’elle garde l’enfant car ce
n’est ni dans le projet de chacun ni dans la logique personnelle de
chacun, ni surtout conforme à notre accord. Elle me le concède, mais elle
choisit (c’est ce qu’elle me dit en ce moment) de le garder. Elle
n’accepte aucun de mes arguments et ne refuse pas l’IVG par principe (elle
a déjà eu cette expérience dans sa vie de couple) ; elle me dit agir
seulement par désir d’une maternité. Moi je lui dis que je me sens trahi,
ainsi que tout ce que nous avons vécu ensemble. Et que dans ce cas, ce ne
sera pas mon enfant. Elle me dit que tant pis, elle disparaîtra de ma vie…
Pourquoi je parle de cela ici ? Parce que je suis perdu entre plusieurs
mondes :
– celui de ma raison en ce moment qui me dit que, à partir du moment où
elle ne respecte pas notre accord, cette affaire n’est plus de ma
responsabilité.
– celui de ma culture personnelle et de ma vie jusqu’à présent qui me dit
que, responsable ou pas, cet enfant va (sûrement) voir le jour, sans père
déclaré. Cela m’obsède. Je n’arrive pas à adhérer à cette idée de "ne pas
porter plus que ma part de responsabilité".
Même si sa mère ne fait pas d’elle même une recherche de paternité—lui la
fera un jour. Donc, il entre ainsi dans ma vie, comme une hypothèse qui va
être permanente; un enfant dans le dos…
Aujourd’hui, je ressens une grande tristesse. Pour cette histoire vécue et
la façon dont elle se termine ; pour elle—que je respecte en tant que
personne, mais dont je condamne l’acte que je vis comme une trahison et
une dénégation de ce que nous avons vécu ensemble ; pour ce qui me reste à
vivre, si l’enfant naît.
Une amie très proche
m’a téléphoné il y a 4 mois en m’informant qu’elle était enceinte.
Ensemble avec son mari, ils ont déjà 3 enfants, dont l’aînée a 15 ans et
le « dernier » 10 ans, elle a 42 ans.
Très partagée face à cette nouvelle tout à fait inattendue, elle ne
savait pas quoi faire, ni quelles possibilités s’offraient à elle et à
son âge. Comme elle se souvenait de mon investissement pour la votation
en 2002, tout en sachant que mes enfants je les ai eu à 44 et 46 ans,
elle pensait que je pouvais lui donner des infos utiles. Ce que j’ai
fait, en lui laissant le choix entier de sa décision. Manière de faire
qui tranchait apparemment avec celles de la plupart de ses ami-e-s et
des membres de sa famille à l’avis plus ou moins figé, pour ou contre
cet agrandissement de la famille.
Avec son mari, ils se sont donnés 10 jours (c’est ce qui leur restait du
délai légal). Ils ont fait un cheminement exemplaire à deux et ensemble
avec leurs 3 enfants. Ils ont pesé le pour et le contre entre accueil
dans l’acceptation et déclinaison de cette possibilité d’agrandissement
de leur famille. Ils l’ont fait en toute liberté en sachant que la
décision allait être la leur et celle de personne d’autre.
Le choix qu’ils ont finalement fait, celui d’accueillir cet enfant,
s’est ainsi fait dans ce climat serein qui leur permet aujourd’hui
d’accepter cette naissance à venir comme étant leur souhait et leur
désir.
Tout réside en ce cheminement ou aucune pression extérieure n’est venue
brouiller les pistes.
J’ai alors très fortement pensé à la lutte de 2002 et l’action
inlassable pour un régime du délai durant toutes ces années qui ont
précédé. J’ai alors mesuré toute la pertinence de la solution
proposée.
Je tiens à partager cette histoire avec toutes celles et tous ceux qui
se sont engagés pour le régime du délai. En guise de merci, car cette
vie a pu prendre racine dans l’envie et le désir des parents grâce à la
marge de manœuvre offerte par cette loi. L’absence de cette liberté
aurait probablement rendu impossible cette réflexion menée tout en
finesse – et le choix aurait peut-être été autre….
Doris
Dr. Jean-Marc Perron,
psychiatre
Je défends tout d’abord un droit : celui de la personne de décider pour
elle-même, qu’elle ait ou non un partenaire. Et ensuite, je m’engage en
faveur du droit, pour le psychiatre, de ne pas être consulté. Que l’on me
comprenne bien. Il ne s’agit pas de fermer ma porte à la détresse. Mais je
m’insurge contre la « psychiatrisation » d’une décision qui n’appartient
qu’à la seule intéressée et contre la violence cachée dans cette
procédure. Car en fait, le psychiatre appelé à signer le fameux avis
conforme se trouve dans l’obligation légale de commettre un abus de
pouvoir.
Dr Claudine JEANNET,
Médecine psycho-somatique et psycho-sociale
Soyons réalistes le choix n’est pas entre un fœtus dans une poubelle et
un bel enfant souriant. Il est entre une intervention médico-chirurgicale
faite dans de bonnes conditions aussi bien techniques que psychologiques
et un retour aux faiseurs d’anges dans la clandestinité, au tourisme vers
d’autres pays plus cléments, avec tous les risques pour la santé et la vie
des femmes concernées et tous les abus que cette situation peut provoquer.
Comme médecin, dans une situation où je dois trouver avec la personne
concernée, la solution qui lui convienne le mieux, je suis sensible à la
qualité, à la sécurité et à l’honnêteté des solutions possibles. Le régime
du délai répond à mes critères d’évaluation. C’est une ouverture dans un
choix possible. Il n’impose pas l’avortement à toute femme comme certains
semblent le laisser croire.
Aussi, pour que les femmes de la génération de mes enfants puissent
enfanter dans les meilleures conditions je souhaite que leurs aînées et
elles-mêmes se mobilisent pour soutenir le régime du délai.
Nicolette Nicole
Cheffe du service des consultations de planning familial et de
grossesse de Profa, Lausanne
"Pour aucune femme, l’interruption de grossesse
n’est facile et n’est envisagée à la légère. Je n’ai jamais vu une seule
femme indifférente. Pour elles, c’est souvent un moment important, parfois
douloureux et difficile. Elles sont réalistes, responsables et ne veulent
pas mettre au monde un enfant dans de mauvaises conditions. Elles disent
toutes : ‘ Je n’aurais pas voulu que cela arrive, mais je suis obligée de
constater que c’est la décision la plus juste pour moi dans ce moment que
je vis ‘."
(24heures, 22.9.2000)
Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, le 15.6.2010,
devant le Sénat français :
"L’avortement est aujourd’hui intégré dans une
offre de soins globale même si, il faut le reconnaître, il est encore,
malheureusement, entaché d’une connotation négative. On le présente
souvent comme un « mal nécessaire », et je dois dire que je ne m’associe
pas à cette vision dédaigneuse et culpabilisante. […]
Le nombre d’IVG pratiquées chaque année reste stable. À cet égard, là
encore, je refuse tout discours culpabilisant, celui qui consiste à
considérer nécessairement l’avortement comme le symptôme d’un échec."
Gisèle Halimi, fer de lance de la
dépénalisation de l’avortement en France:
"La loi dépénalisant l’avortement a totalement changé la vie des femmes.
Je pense que le droit pour une femme de s’appartenir, d’avoir un corps à
elle, conditionne tous les autres combats de libération. C’est un leurre
de parler d’indépendance économique ou culturelle si une femme ne commence
pas par s’appartenir et par ne plus être esclave de la fatalité."
Pas toujours un
drame
Je crois que l’avortement n’est pas toujours un drame pour une femme et
je crois que ce n’est pas autre chose qu’un moyen – peut-être de dernier
recours – d’éviter de mettre au monde un enfant non voulu. Cela dépend de
beaucoup de facteurs trop nombreux à citer.
Quand la contraception a échoué ou n’a pas été utilisée et une femme tombe
enceinte, avorter dans les premières semaines est un acte médical simple.
Pourvu que le personnel soit sympathique, compétent et respectueux de la
femme qui a fait ce choix, il n’y a pas de raison que ce soit un drame.
L’avortement peut être un drame et une des
raisons pour cela c’est l’immense poids de culpabilité que la femme subit
à l’idée quelle a "péché".
Heureusement, de plus en plus de femmes osent parler librement de leurs
expériences et voient suffisamment clair pour savoir que cette culpabilité
est mal placée. Une attitude bien plus responsable et honnête, c’est de se
dire que mettre au monde un enfant qui n’est pas voulu, en ce moment
précis, mène souvent à un drame à vie.
Nous avons beaucoup de difficulté de reconnaître que les femmes qui
choisissent l’avortement et n’en souffrent pas un drame, ne sont ni des
monstres, ni des démons, ni des insensibles, ni des "sans-coeur" –
simplement des êtres humains qui ont réfléchi calmement et ont pris une
décision raisonnée pour le plus grand bien d’elles-mêmes, de leurs
partenaires, de leurs enfants déjà nés et de la communauté.
Alison Katz, dans "Le Courrier", 29.8.95
Jean-Claude Cornu, Conseiller aux
Etats radical
"La femme vit, souffre, ressent,
subit ou se réjouit d’une grossesse. C’est elle qui en assumera ou en
subira les conséquences. La décision d’un avortement lui appartient. Cette
décision terrible, la femme ne la prendra pas sans référence à ses valeurs
profondes. La société peut respecter ce libre arbitre, tout en s’assurant
que la femme ne soit pas laissée seule face à sa décision. La loi y
pourvoit… un peu. La société civile peut faire le reste."
La Liberté, 8.2.2003